Séminaire Communiste International de Bruxelles mai 2009
Texte de l’Union des Révolutionnaires-Communistes de France – URCF –
Contribution à l’analyse des luttes de classes actuelles en France
Depuis plusieurs mois, la classe ouvrière et les travailleurs de France sont engagés dans de grandes luttes contre le pouvoir réactionnaire de Sarkozy et le patronat : deux grandes grèves massives le 29 janvier et le 19 mars (8 millions de grévistes, 3 millions de manifestants), suivies d’un 1er mai plus réussi qu’à l’ordinaire, auxquelles il faut ajouter les innombrables grèves locales : Continental, Molex, PSA ...
Malgré cette remarquable combativité du mouvement ouvrier, le pouvoir n’a rien concédé et poursuit cette même politique désapprouvée par la majorité laborieuse. La question centrale posée aux travailleurs est de créer un rapport de forces toujours plus favorable afin de satisfaire les revendications les plus urgentes : hausse des salaires, défense des emplois, pour faire payer la crise à son fauteur : le Capital.
Le débat autour du syndicalisme
On sait qu’en France, agissait, durant la majeure partie du 20ème siècle, une puissante centrale de lutte de classe et de masse : la Confédération Générale du Travail (CGT) à l’origine de toutes les conquêtes sociales.
Aujourd’hui, l’ensemble des forces syndicales obéit à des directions de collaboration de classe, relayant les directives du Capital. La CGT présente un double aspect contradictoire : sa direction réformiste est acquise à la gestion, à la régulation du système capitaliste et à la défense du Cartel des Etats capitalistes d’Europe, l’Union Européenne.
Dans le même temps, la CGT garde le plus important potentiel de luttes, comme l’attestent les grèves locales sous l’impulsion des sections de base de la CGT.
Certaines organisations progressistes en tirent la conclusion d’un syndicalisme devenu dépassé. Mais évidemment, elles restent sans proposition alternative concrète.
En France, les syndicats, tous confondus, organisent 9 % des salariés. C’est très peu, mais aux élections professionnelles, ces mêmes centrales recueillent 95 % des suffrages. Toutes les luttes sont déclenchées par les syndicats, même si les non-syndiqués y participent massivement.
En cette année du 90ème anniversaire de la Fondation de la IIIème Internationale, l’URCF reste fidèle au combat léniniste, tant contre l’économisme qui réduit le combat à sa dimension uniquement sociale, que contre l’infantilisme gauchiste qui appelle à déserter les syndicats.
La non-adhésion aux syndicats s’explique en partie par le coût d’une cotisation syndicale, alors que depuis des décennies, plusieurs générations n’ont connu aucune grande conquête sociale. L’URCF considère comme primordial, la bataille pour la syndicalisation, notamment des grévistes.
La réserve militante est importante, car 93 % des syndiqués ont un emploi statutaire ou à durée indéterminée. Cela signifie que les travailleurs précaires (40 % des nouveaux emplois principalement des jeunes) doivent être gagnés à ce combat.
Les sources matérielles de la collaboration de classe
La France est un Etat impérialiste qui, grâce au pillage impérialiste, peut « acheter » une fraction de la classe ouvrière, celle qui a des responsabilités dans les appareils syndicaux et politiques. Cette aristocratie et bureaucratie ouvrière analysée par Lénine garde son actualité. La stratégie des monopoles, accélérée par la domination du révisionnisme et de l’opportunisme, a été d’intégrer les directions des syndicats à la défense du système capitaliste.
En France, a été mis en place, petit à petit, un système de cogestion syndicats/capital dans des domaines aussi importants que la Sécurité Sociale, les Mutuelles, la Formation professionnelle, les Caisses de chômage … Cogestion qui traduit l’intégration croissante des directions syndicales à l’appareil d’Etat capitaliste. Cette couche de bureaucrates ouvriers encadre la classe ouvrière et cet encadrement, au-delà des critiques sur la « mollesse » des dirigeants, n’est pas remis en question de manière massive.
Les directions syndicales intégrées servent de relais à la politique des monopoles, en s’inscrivant dans l’aménagement « social » des contre-réformes. « Contre-réformes », car toutes les mesures du pouvoir de Sarkozy servent à détruire les acquis sociaux et à aggraver les conditions de vie et de travail … pour le seul intérêt du Capital.
Les diverses centrales, y compris la CGT, pratiquent l’apolitisme. C’est ainsi qu’aucune critique générale de la politique gouvernementale n’est faite. Les directions syndicales présentent l’action du pouvoir comme s’il était neutre, technique « au-dessus des classes ».
Les directions ont organisé 2 journées nationales de grève sans avoir lancé le moindre mot d’ordre politique antigouvernemental ou anticapitaliste.
Selon le mot du leader CFDT, syndicat le plus en pointe dans la collaboration de classe, François Chérèque : « Nous voulons canaliser le mécontentement social » … éviter la violence.
Dans l’esprit de la bureaucratie syndicale, les journées de grève sont des journées exutoires où la colère s’exprime, mais sans actions continues, sans mots d’ordre offensifs et unissant le mouvement gréviste.
Ces luttes, faute de caractère national et continu, ne sont pas suffisantes pour être victorieuses et imposer des reculs au pouvoir et au Capital.
Les directions syndicales réformistes n’envisagent plus, depuis longtemps, la grève comme arme éprouvée de la classe ouvrière pour bloquer la production, contrecarrer les profits capitalistes, et donc créer un rapport de forces supérieur, mais comme une simple protestation pour ouvrir des négociations et aménager les réformes réactionnaires.
Le premier ministre Fillon peut ainsi se féliciter de cette situation en déclarant : « A la différence de 1968, nous nous félicitons du caractère responsable des syndicats et en particulier de la CGT ».
L’opposition syndicale
Confrontée à la trahison croissante des intérêts des travailleurs par les centrales syndicales, l’opposition dans la CGT se renforce.
Toutefois, malgré les tentatives unitaires, cette opposition reste divisée organisationnellement en plusieurs détachements liés aux partis trotskistes ou aux groupes communistes.
Sur la perspective stratégique, les uns penchent vers la bataille pour conquérir la direction (mais comment, avec le poids considérable de l’appareil bureaucratique et sans véritable démocratie syndicale ?), d’autres vers la création d’une nouvelle Centrale « pure » (mais comment gagner la représentativité et la légalité avec les restrictions des lois bourgeoises ?). Enfin, d’autres préconisent le ralliement à SUD, syndicat plus combatif, mais non exempt d’opportunisme.
Rupture, reconquête ou adhésion à une autre Centrale, la question posée est plutôt d’agir et de militer pour conquérir les masses. Poser la question des moyens à mettre en œuvre pour obliger le Capital à payer sa crise, c’est solutionner cette contradiction fondamentale du mouvement. La bourgeoisie conduit une offensive globale contre la classe ouvrière, il faut donc une riposte globale qui passe par la grève générale reconductible.
Le travail pour conscientiser les militants CGT est donc primordial, puisqu’il n’y aura pas de véritable grève générale sans les masses fondamentales de la CGT. L’obstacle réside dans la position de la direction de ce syndicat, qui veut asseoir son « honorabilité » aux yeux du Capital, en « enveloppant » et détournant le mécontentement. Il existe un bras de fer entre deux conceptions antagoniques du syndicalisme ; de cet affrontement découle la victoire ou non des luttes de classes en cours.
Les syndiqués communistes jouent un grand rôle dans cette bataille, pour dénoncer les impasses du syndicalisme d’aménagement et la nécessité de créer un rapport de forces à l’échelle nationale pour vaincre.
L’opposition syndicale, sous l’influence aussi du trotskisme, n’échappe pas parfois aux appels incantatoires à la grève générale ; la tâche des révolutionnaires est de travailler à en créer les conditions subjectives.
Dans sa presse, dans les usines où existent des sections URCF, nous expliquons qu’aucune lutte ne peut rester isolée sans manifestation de la solidarité de classe y compris financière en sollicitant les travailleurs des entreprises de la même ville. Solidarité qui implique aussi les formes d’action nécessaires : débrayage, manifestations, actions « coups de poing ». Notre Commission ouvrière popularise toutes les luttes dans le pays.
Situation du mouvement ouvrier
Il faut partir de l’analyse matérialiste nécessaire, c’est-à-dire du poids encore notable de l’impérialisme français ; des dégâts opérés par la domination du réformisme et du révisionnisme dans le mouvement ouvrier ; de ce qui a contribué à transformer le rapport de forces en faveur de la bureaucratie pro-capitaliste au sein de la CGT.
Le mouvement ouvrier n’a plus ni parti révolutionnaire reconnu par l’avant-garde de la classe, ni direction syndicale organisant le combat, traçant une plateforme revendicative sur la base des intérêts convergents de tous les travailleurs.
Le caractère essentiel de la grande bataille de classe en cours est spontané, défensif contre les attaques brutales de la bourgeoisie monopoliste.
La crise du mode de production capitaliste impose au système d’exploitation une contradiction aiguë. L’obtention du profit maximum exige de faire payer la crise aux travailleurs en transférant toujours plus d’argent public dans les poches des capitalistes.
Cette politique ne manque pas d’engendrer mécontentement, colère et révolte des travailleurs contre les fermetures d’usine, les licenciements, la vie chère.
Contradiction qui ne manquera pas un jour de se refléter dans la prise de conscience, non seulement de la « mollesse », mais aussi de la trahison ouverte des intérêts de classe par la bureaucratie syndicale réformiste.
Les travailleurs de « Continental », de « Molex », les électriciens et gaziers, ont renoué dans leurs luttes avec des formes dures et éprouvées du combat de classe : occupation d’usine, destruction des stocks, séquestration de patrons, blocage des routes, basculement le jour des tarifs d’électricité sur les « heures de nuit » moins chères, rétablissement du courant pour les victimes de coupures …
La colère s’élargit aux couches moyennes : médecins, juges, chercheurs, victimes de la politique d’austérité générale, et inquiets de leur avenir.
Tous ces éléments nous font envisager l’avenir avec optimisme révolutionnaire. Comme en 1968, la France est au bord d’un affrontement majeur avec la bourgeoisie monopoliste, affrontement que seule la trahison réformiste empêche encore.
Les tâches des communistes
Les communistes, encore faibles (à l’échelle du pays) et divisés, retardent sur le mouvement réel de luttes de classes. L’URCF accorde la priorité au travail dans les entreprises en direction de la classe ouvrière, travail multiforme pour créer des sections d’usine, élargir le noyau syndical de classe, impulser des collectifs locaux unitaires et de masse contre les fermetures d’entreprises ou de services publics. Nos forces sont encore limitées, mais là où nous sommes présents, nous avons un bon écho, nous commençons à influencer des secteurs de cheminots, de la RATP (transports urbains), les travailleurs énergéticiens …
Les idées communistes ont encore des racines dans la classe ouvrière. Notre campagne « Accusons le capitalisme », qui relie chaque attaque du Capital, chaque mesure gouvernementale à la nature exploiteuse du système, à la propriété privée des moyens de production, à la dictature de classe des monopoles, influence au-delà de nos rangs.
Le rapprochement d’autres organisations communistes avec l’URCF montre l’importance du travail d’unification sur des bases marxistes-léninistes.
Nous ne sommes qu’aux prémices, mais nous nous engageons dans la longue marche pour conquérir la majorité de la classe ouvrière, organisée selon les enseignements de Lénine et Staline, comme condition incontournable de la Révolution.
URCF, mai 2009