Alors que nos personnalités politiques françaises nous donnent le sentiment d’une politique absconse et dont les enjeux réels ne sont que leur carrière et les intérêts de leurs amis ou bailleurs de fonds, le secret des Cubains et de Fidel Castro, n’a-t-il pas toujours été de transformer la politique en passionnant feuilleton dans lequel les peuples ont le sentiment de tout comprendre et de frémir d’épisode en épisode. Ils ont fait école avec les autres dirigeants de l’Alba. Nous venons ainsi de vivre une grève de la faim de Morales et tout de suite après nous assistons en direct au passage des Etats-Unis sous les fouches caudines érigées par Fidel et Raoul et leur ami Hugo Chavez. Toute l’Amérique latine et pas seulement les plus radicaux de l’ALBA ont uni leur voix pour réclamer la fin du blocus et l’intégration de Cuba. Le symbole fut dès l’ouverture du sommet des Amériques l’intervention de la présidente argentine Cristina Fernández Kichner l’amphytrion du sommet, exigeant ce changement. Comme d’ailleurs la manière dont Obama décidemment trés habile a su séduire en allant vers Chavez avec sympathie. Mais ce dernier pouvait d’autant plus proposer l’amitié qu’il se sentait fort de l’union et que la veille Hillary Clinton avait fait de nouvelles déclaration sur Cuba. L’intervention de Barak Obama témoigne cependant du fait que si les Etats-Unis sont prêts à changer de manières, ils ne sont pas prêts à changer de politique et ils cherchent toujours à tenter de sauver le capitalisme et les institutions qui sont à l’origine de la crise. Ce qui laisse mal augurer de la suite parce que quand l’on prétend imposer des politiques insupportables et catastrophiques pour les peuples affirmer que désormais on va leur demander leur avis sur les modes d’étranglement paraît faire preuve de trop d’innocence ou de trop de duplicité. Enfin sur ces questions essentielles du diagnostic de la crise et des remèdes est-ce que l’ensemble de l’Amérique latine peut montrer la même unité que sur le cas de Cuba ? L’Amérique latine est capable aujourd’hui de ruer dans les brancards, sera-t-elle capable de ruer hors des brancards ?
Après avoir exigé impudemment que Cuba donne des gages de démocratie en libérant “les prisonniers politiques”, Hillary Clinton a “mangé son chapeau”. Il était incroyable que la dite Clinton maintienne ses exigences d’ingérence à propos d’une île où les Etats-Unis violent doublement les lois internationales et humaines . Premièrement en maintenant, malgré le vote quasi unanime de l’Assemblée générale des Nations Unies, un blocus génocidaire contre la population cubaine, et le faisant en appliquant des lois extra-territoriales illégales comme la loi Helms Burton. Deuxièmement il y a là Guantanamo le symbole de l’insupportable en matière de violation des droits de l’homme avec des prisonniers “fantômes”. La réunion de l’ALBA, le 17 avril, ne le leur a pas envoyé dire et la déclaration que nous publions par ailleurs montre que l’Amérique latine (et au-delà le monde)attend de nouvelles relations internationales et les imposera par son union. C’est dans un tel contexte que l’on a assisté au revirement d’Hillary Clinton.
La secrétaire d’Etat nordaméricaine Hillary Clinton a dit ce vendredi 17 avril que la politique des Etats Unis face à Cuba avait échoué et elle s’est félicité de “l’ouverture” démontrée par la Havane .
“Nous sommes en train de chercher des voies plus efficaces pour avancer parce que le Président Obama et moi et le gouvernement nous constatons que la politique actuelle envers Cuba a échoué” a déclaré Clinton dans un point de presse à la mairie de Santo Domingo. Hillary Clinton s’est félicité de “l’ouverture” montrée par le président cubain, Raoul Castro, qui s’est dit disposé à commencer un dialogue avec les Etats-Unis et s’est déclaré “ouvert sur tout avec Washington “y compris les droits humains, la liberté de la presse, les prisonniers politiques, tout ce qu’il voudront aborder mais d’égal à égal sans conditions préalables.
Il ne faut pas oublier les “réflexions” de Fidel, en particulier la rencontre avec les démocrates afro-américains et la conscience qu’il avait qu’il fallait “aider” Obama. Raoul a prononcé les phrases qu’il fallait mais sans rien céder sur le fond de la souveraineté de Cuba. Nous sommes bien devant le plus haut niveau de la politique, celui ou loin de mépriser l’adversaire, on lui offre le moyen d’avancer s’il en a le désir tout en créant les conditions d’un rapport de forces qui l’oblige à s’exécuter.
Obama qui est visiblement moins idéologue que pragmatique a entendu ce qui se disait à la réunion de l’ALBA et il tente la même opération de charme avec le président vénézuélien qui apparaît de plus en plus comme l’homme fort du sommet des Amériques. A peu près au même moment où Hillary Clinton faisait ses déclarations, le secrétaire de presse de la maison Blanche, Robert Gibbs, affirmait que le président Barak Obama était ouvert pour se réunir avec son homologue vénézuélien, Hugo Chávez. Gibbs a dit qu’Obama n’a pas actuellement de plans arrêtés pour se retrouver avec le président vénézuélien durant le Sommet de l’Amérique, mais qu’il accueillerait positivement une offre de Chávez pour une réunion en tête à tête. “Chaque fois que j’ai eu une aparté avec le président pour lui parler, nous avons eu cette conversation”, Gibbs a exprimé la possibilité qu’il y ait telle réunion durant le Sommet en Trinité-et-Tobago.
Si Obama et Chavez se sont salué avec sympathie, la grande leçon des Cubains est que le refus du mépris de l’adversaire ne signifie jamais que l’on puisse “baisser la garde”, et Chavez n’est pas prêt à le faire. Cette nécessité de la méfiance, les pays qui composent l’ALBA l’ont apprise comme l’a rappelé Ortega à propos du Nicaragua, c’est historique et actuel comme on le voit en Bolivie, tous les jours ils ont dû arracher leur propre survie, la poursuite de leur politique aux menées de l’adversaire. Chavez, le nouveau maître d’oeuvre sur le terrain de cette stratégie, a ouvert le feu non seulement sur Cuba mais sur le caractère inadmissible de la déclaration finale telle qu’elle était prévue. La réunion de l’Alba qui a précédé le sommet avait comme objectif non seulement de poser d’une manière unie la question de Cuba mais aussi de jeter les bases d’un système concurrent du dollar et permettant l’émancipation de cette monnaie. Avec des fonds, mais aussi une monaie commune, le sucre. Selon le président vénézuélien Hugo Chavez, dans un premier temps le “sucre” restera une monnaie virtuelle, qui ne servira qu’à comptabiliser les échanges commerciaux entre les pays qui y auront souscrit afin de mettre fin à leur dépendance à l’égard du dollar. Si tout se passe comme prévu, le “sucre” commencera à exister sous cette forme dès le 1er janvier 2010.
Toujours aussi habile, dans son intervention dans l’inauguration du Ve sommet des Amériques, le président des Etats-Unis, Barak Obama, a reconnu les erreurs que son pays a commises dans le passé et il a dit que celui-ci était totalement enterré. Ce qui n’est pas tout à fait exact si l’on considère que tout est encore en place…
C’est le moment de rechercher a-t-il dit une alliance équitable “où il n’existera pas de grand allié ni de petit allié. Je suis ici pour lancer un nouveau chapitre, qui se poursuivra durant tout mon gouvernement”.
“Nous ne pouvons être prisonnier de désaccords du passé” a dit Obama en référence aux commentaires de Daniel Ortega, président du Nicaragua. “Je remercie le président Ortega ne pas m’avoir fait assumer la responsabilité pour des faits intervenus alors que j’avais à peine 3 ans”
“Je ne suis pas venu discuter ici sur le passé, mais à discuter sur l’avenir, (…) nous avons des responsabilités face à nos citoyens”.
Dans ce sens, il a dit que son gouvernement se conduira sur trois grandes lignes.
-La première consistera à lutter pour une prospérité commune, à partir d’une aide pour la création d’emplois à l’intérieur et hors frontières des Etats-unis.
-Le président nord-américain a signalé qu’il cherchera en second lieu à réformer le système financier pour le constituer sur des bases durables.
-Enfin, il a affirmé qu’il travaillera pour une sécurité commune dont la priorité et de lutter contre le trafic illicite des armes et de la drogue.
Nous pouvons mesurer que malgré l’opération charme, nous sommes encore loin, trés loin de la déclaration commune des pays de l’ALBA sur le fond. L’unité de l’Amérique latine sur le cas cubain sera-t-elle la même quand il s’agira de la politique des Etats-Unis et du fait qu’Obama non seulement cherche à sauver le système capitaliste mais est prêt à changer la façade pour mieux conserver l’essentiel. Comme le disait J.F.Bonaldi, l’Amérique latine dans son ensemble a montré qu’elle était prête à ruer dans les brancards mais est-elle prête en totalité à ruer “hors des brancards”.
Danielle Bleitrach