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24 décembre 2008 3 24 /12 /décembre /2008 13:03

José Bové et Guy Kastler : la décroissance en agriculture (2)

 

La marche pour la décroissance

En juin 2005, José Bové participe à la « marche pour la décroissance » de François Schneider et son âne Jujube, qui ont arpenté les routes de France depuis juillet 2004 pour sensibiliser leurs contemporains à la nécessité de la décroissance. « Je souhaite hardiment la décroissance de toutes les tumeurs, notamment celles qui se développent de manière déraisonnée dans le monde actuel, détruisant les fondements mêmes de notre survie : le réseau (auto)routier, les centrales nucléaires,  les OGM et l’agriculture productiviste, les TGV, les aéroports, les mines à ciel ouvert, les lignes hautetension, les explosifs, les bulldozers et la surconsommation en général », déclare le « chercheurécologue » François Schneider. A Thiviers‐Villars, près d’Angoulême, il rencontre « Yvan et Marie‐Claire à la ferme du Brandau. Yvan fait une thèse sur l’agriculture bio ».

 

François Schneider s’entretient avec le couple sur l’agriculture.

 « A mon avis, la notion de local n’est pas assez explicitée dans le concept de départ [de l’agriculture bio], d’où l’importance de spécifier bio ET local. (...) Très catholique comme sa femme, Yvan est choqué par le fait qu’un des fondateurs reconnus du bio, Rudolf Steiner, soit tant marqué par le spiritisme. Il préfère Fukuoka, qui a lancé l’idée d’une agriculture peu interventionniste (sans taille, sans labour, sans traitements, sans enlever les mauvaises herbes ou du moins par petites touches subtiles). »

 

De retour sur la route, François Schneider note dans son carnet de bord : « Incroyable toutes ces monocultures de maïs qui existent à 90 % pour nourrir les animaux d’élevage industriel. Dans la suite des horreurs, quelles surfaces vont être nécessaires pour nourrir les “animaux‐voitures” avec des champs de colza et de tournesol si nous continuons à vouloir nous déplacer frénétiquement avec

tous ces engins routiers ? On trouve déjà peu de champs pour nourrir les gens et peu de nature.

 

D’après des documents soutenant le bio‐diesel, il ne faudrait “que” 20 millions d’hectares de tournesol ou colza pour satisfaire nos besoins actuels de transport. »

 

Sur son chemin, il vend L’Ecologiste, la revue d’Edouard Goldsmith (l’un des sponsors de sa marche), et La Décroissance, un journal lancé par Casseurs de Pub et dont le tirage frôle les 40.000 exemplaires. Comme le relate Emmanuel Grenier dans Industrie & Environnement, on y apprend « que la croissance tue, qu’il faut remplacer son café matinal par de la chicorée, fondre les pylônes des téléskis, renoncer au viaduc de Millau pour suivre plutôt Lanza del Vasto, et aller vivre sans électricité dans un village de l’Hérault. Tout ce qui touche de près ou de loin à la science ou à l’industrie y est dépeint comme mauvais, puisque cela découle de la volonté de maîtrise de l’homme, cette espèce nuisible qui ne cesse de violenter la gentille mère nature. » Arrivé à Magny‐Cours le 7 juin 2005, François Schneider est rejoint par José Bové et Vincent Cheynet, ainsi que par le sociologue Paul Ariès, écrivain prolifique et animateur de l’association Casseurs de Pub, par le biologiste et militant anti‐OGM Albert Jacquard, et enfin par Serge Latouche, professeur en sciences

économiques à Paris XI et membre du comité éditorial de La Décroissance.

 

Président de l’Institut économique et social pour la décroissance soutenable (IEESD), Serge Latouche déclare qu’il fait « partie d’un réseau transnational qui s’est créé dans les années soixante‐dix autour de la critique du développement, compris comme entreprise du Nord en direction du Sud ». « Face à cette occidentalisation du monde, nous étions très minoritaires », souligne‐t‐il dans le livre Ensemble, sauvons notre planète. L’économiste poursuit : « Le succès soudain et tout relatif de [sa] critique, longtemps prêchée dans le désert », provient de « la crise de l’environnement, mais aussi de l’émergence de la mondialisation ».

 

Nicolas GeorgescuRoegen et le malthusianisme

Au sein de ce réseau transnational des années soixante‐dix figure l’économiste roumain Nicholas GeorgescuRoegen (1906 ‐1994). Après la Seconde Guerre mondiale, ce dernier s’installe aux Etats‐ Unis. Il est accueilli à l’Université Vanderbilt à Nashville (Tennessee), où il devient l’un des porte-parole du malthusianisme. En 1971, il publie The Entropy law and the Economic Process, qui précède d’une année la parution du rapport Halte à la croissance ? du Club de Rome, et celle de Changer ou disparaître ‐ Plan pour la survie d’Edouard Goldsmith. Véritables précurseurs du mouvement pour la décroissance, ces idéologues développent alors la thèse selon laquelle la croissance économique a une limite, et cette limite est imminente.

 

Selon eux, l’or devait s’épuiser en 1984, le cuivre et le plomb en 1993, le mercure en 1983  le gaz naturel en 1994, le pétrole en 1992, l’étain en 1987, le zinc en 1990, l’uranium « avant la fin du siècle ».

 

Pour Georgescu‐Roegen, la rareté des ressources s’explique par la loi de l’entropie, qui sert de fondement à sa problématique : « Dans un environnement fini, limité, comme celui de notre planète, on peut dire que la vie biologique est un système ouvert qui bénéficie de l’énorme flux d’énergie solaire, mais la civilisation humaine, en transformant la matière, poursuit l’évolution à un autre niveau, dans un système clos. »

 

Bien entendu, dans le monde de l’économiste roumain, le développement de nouvelles technologies, qui redéfinit les matières premières utilisables, ne représente pas une solution adéquate, et ne fait que repousser l’inévitable échéance. Ainsi, « le professeur Georgescu‐Roegen connaît parfaitement la question très controversée de l’énergie nuclaire », relate Jacques Grinevald, ami d’Edouard Goldsmith, dans une tribune publiée dans L’Ecologiste. « Monsieur Georgescu‐Roegen se déclare plutôt inquiet devant ce développement de la technologie nucléaire », précise‐t‐il.

 

L’agriculture moderne constitue la seconde préoccupation de l’économiste : « L’agriculture traditionnelle, elle, tirait profit de l’énergie solaire. Depuis l’agriculture mécanisée, enrichie par des engrais chimiques industriels, l’énergie ne provient plus du soleil mais de la matière terrestre. Dès lors, l’agriculture elle‐même devient un processus entropique. » Or, cette mécanisation résulte de la pression démographique : « Lorsque la terre ne peut plus nourrir hommes et bêtes domestiques, on remplace la bête par la machine ! » L’économiste roumain propose en conclusion de « diminuer graduellement la population mondiale jusqu’au niveau où elle peut être nourrie par une agriculture organique », c’est‐à‐dire sans mécanisation. Dans Changer ou disparaître, Edouard Goldsmith est encore plus explicite : « En dernière analyse, le “maximum admissible de population“, pour un pays donné, est celui qu’il est capable de nourrir ; et il se fonde sur un concept écologique fondamental :

 

la “charge utile“ de la terre. » Ce concept deviendra ultérieurement celui de « l’empreinte écologique », développé par le World Wildlife Fund (WWF) et vulgarisé par Nicolas Hulot.

 

L’Angleterre, explique Goldsmith, « nourrit une population dépassant la charge utile de ses terres. (...) Elle n’a donc pas d’autres ressources que de diminuer la taille de sa population avant de la stabiliser. Comme elle paraît hors d’état de nourrir plus de la moitié de sa population actuelle, elle devrait se donner comme objectif, pour les 150 ou 200 années à venir, un chiffre ne dépassant pas 30 millions ».

 

Pour l’ensemble de la planète, l’écologiste anglo‐français estime que la « population maxima ne peut guère dépasser 3,5 milliards d’habitants, et [qu’elle est] probablement très inférieure à ce chiffre ». Bien qu’ils s’en défendent aujourd’hui, les adeptes de la décroissance promeuvent bel et bien un monde malthusien. Et le discours selon lequel l’agriculture biologique représente une alternative à l’agriculture conventionnelle ‐ pour ce qui est de sa capacité à nourrir la planète ‐ n’est en réalité qu’un artifice politiquement plus correct.

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