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11 juillet 2009 6 11 /07 /juillet /2009 13:01

Pensées hors de saison : critique de la gauche européenne (Palestine Think Tank)

vendredi 10 juillet 2009 (13h51)

de Hisham BUSTANI

La Gauche, un peu partout sur la planète, est en mouvement : en pleine progression dynamique dans certaines régions, en chute libre dans d’autres. En Amérique du Sud, elle poursuit sa courbe ascendante. Cela est également manifeste dans certaines régions éloignées d’Asie comme le Népal, où les Maoïstes ont réussi à renverser démocratiquement la royauté après des années de révolution armée. (1) Dans certaines régions de l’Inde, la gauche a conquis le pouvoir exécutif. De leur côté, la gauche militante de Colombie (FARC), celle des Philippines ( Parti Communiste Philippin ) et celle du Mexique (EZLN) sont toujours à la fois efficaces et influentes. Pour sa part, la gauche arabe semble repliée dans son cocon, marginale et peinant à se sortir d’une série de crises. (2)

En Europe, cependant, la gauche offre toutes les apparences d’une détérioration continue, beaucoup de ses plus grandes organisations (les partis travaillistes et sociaux-démocrates) ne sont plus de gauche : elles ont adopté des politiques d’économie libérale, rogné les acquis sociaux (santé, éducation, logement), réduit les libertés publiques et embrassé aveuglément la voie américaine – brutale incarnation du capitalisme néolibéral et de son entreprise de subordination du monde par la force. Ce bref essai fait part de quelques réflexions sur la gauche européenne, vue de mon propre point d’observation, à l’est du monde arabe.

L’Europe et sa gauche : deux expressions de la même crise

La crise de la gauche en Europe est une des expressions de la crise de l’Europe elle-même.

Quand on parle de la gauche européenne, il faut spécifier qu’on se réfère à ces groupes et partis encore axés sur un programme socialiste et une certaine justice sociale, c’est-à-dire aux partis communistes d’Europe et à ceux qui se situent à leur gauche. Les partis travaillistes et sociaux-démocrates ne sont plus de gauche, ni en théorie ni en pratique. Certains peuvent être même considérés comme entièrement de droite.

L’Europe était fière d’une longue histoire de libertés, de droits humains et d’états fondés sur le règne des lois, fière d’avoir été en première ligne dans la défense contre le Nazisme et le fascisme, fière d’avoir défait le Nazisme, le fascisme et l’idéologie humainement dégradante qu’ils représentaient, et fière aussi de son modèle économique : un modèle capitaliste, mais assorti de suffisamment de socialisme pour avoir atteint une certaine forme de bien-être social..

Toute cette histoire-là s’est écroulée sous les coups de boutoir des Anglo-américains vers toujours plus de néo-libéralisme. Le programme Reagan-Thatcher de dérégulation-privatisation a eu tôt fait de balayer de bout en bout le vieux continent, dès l’effondrement de l’Union soviétique et du bloc socialiste.

Alors, tandis que Washington se servait du 11 septembre comme prétexte pour anéantir les constantes relativement stables des libertés publiques et des droits humains, l’Europe s’est lancée tête baissée dans la même voie, en promulguant des lois « antiterroristes », en dressant des listes noires, en facilitant les « vols secrets » de la CIA et les enlèvements suivis de livraisons extrajudiciaires de personnes, en mettant à la disposition de cette même CIA des prisons également secrètes, et en opprimant les organisations politiques et les individus de la gauche intransigeante restés fidèles à un socialisme révolutionnaire et persistant à soutenir les luttes de libération dans le monde.

L’illusion de la neutralité des lois et de la « démocratie » de l’état

Un des principaux problèmes de la gauche européenne est qu’elle continue envers et contre tout à nourrir l’illusion que l’état européen, avec sa sécurité et ses corps tant exécutifs que judiciaires, est un état neutre, un état équidistant de toutes ses composantes.

Tout état est l’expression des intérêts d’une classe, l’expression d’un manque de neutralité en faveur de la classe dominante. Compte tenu de ces paramètres, la totalité du processus (des lois aux institutions) est déterminée en fonction des intérêts de cette classe, et le processus devient d’autant plus âpre que la classe dominante est fondamentalement néo-libérale et porteuse d’un projet d’hégémonie transnationale.

La gauche européenne ne veut pas admettre que l’état de droit s’est effondré en Europe et que la classe dont l’état représente les intérêts est en train de l’emporter sur tout cela. Les démocraties bourgeoises au sein desquelles la gauche européenne a fonctionné, en s’arrangeant pour se persuader qu’elles étaient de vraies démocraties ouvertes à des changements réels, n’étaient rien en réalité qu’un système de prévention du socialisme : moins coûteux pour l’état capitaliste que l’affrontement avec des troubles sociaux toujours susceptibles de s’enraciner au coeur de cet « autre pôle » : l’Union soviétique.

Celle-ci disparue, il n’était plus nécessaire de supporter un tel coût. Ces états basés sur les droits civils et le respect des lois ayant cessé d’être profitables, on est en train de s’en débarrasser à une vitesse extraordinaire : en France, de nouvelles lois sur le travail et la sécurité sociale ont jeté dans la rue d’énormes manifestations d’étudiants et de salariés, tandis que des propositions d’amendements constitutionnels en vue de privatiser le système d’éducation en Grèce ont provoqué les mêmes réactions. Au plan des libertés individuelles, les militants de gauche sont quotidiennement arrêtés, traînés devant les tribunaux et condamnés. Dans ce cas sont les procès à répétition faits au militant Bahar Kimyongür et à ses amis en Belgique (3), le procès fait à la Ligue Arabe Européenne (4) et à ses militants Dyad Abou-Jahjah et Ahmad Azzuz (5), les poursuites engagées contre le (nouveau) Parti Communiste Italien (nPCI) et contre les Comités de Soutien à la Résistance – pour le Communisme (CARC) en Italie (6) et la condamnation, au Danemark, des militants qui vendaient des T-shirts au logo des FARC et du FPLP (7 ).

Tous ces exemples prouvent l’accélération de l’intolérance de l’Europe à l’égard d’individus et d’organisations qui soutiennent les luttes de libération et contre l’oppression, qui sont opposés à l’interventionnisme militaire ou politique et à l’impérialisme.

La gauche militante au Pays Basque constitue une exception tranchée et fournit l’illustration de la brutale détérioration des choses en Europe : a – elle est une exception par rapport au reste de la gauche européenne en ce qu’elle maintient sans concessions son militantisme et son radicalisme, sans pour autant perdre son assise populaire, prouvant par là leur absence partout ailleurs. Et b – elle prouve l’intolérance de l’état « démocratique » européen envers tout mouvement dont l’action a pour but de provoquer des changements concrets dans les relations de pouvoir, les structures économiques et le cadre politique dans lequel elles s’insèrent. À l’opposé des autres gauches européennes, la gauche basque est restée militante et anti-système par son insistance à vouloir se détacher de l’état espagnol (les partis qui ont inscrit l’indépendance du Pays Basque à leur programme continuent de recevoir le soutien de 60% de l’électorat), par son insistance à affirmer que l’indépendance n’est possible que dans un modèle socialiste, et qu’à son tour le socialisme n’est possible que si le droit à l’autodétermination est garanti, et finalement, par sa persistance à ne pas condamner la « lutte armée », la considérant donc comme une option valable dans la poursuite d’un cadre démocratique garant du droit à l’autodétermination et à une possibilité réelle de défendre toutes les idées politiques, y compris la création d’un État Basque indépendant, si tel est le voeu de la majorité de ceux qui y vivent. Dans un état démocratique, le droit fondamental à l’autodétermination doit être hautement respecté et maintenu, mais les organisations basques de gauche qui poursuivent un tel but sont tout simplement mises au ban et criminalisées par l’état, au moyen de lois « anti-terroristes » et de toutes les actions offensives que celles-ci permettent, elles sont ostracisées par les organisations politiques « conformes » (y compris par celles dites de gauche).

Le droit, en société capitaliste, est un outil pragmatique, à l’usage sélectif et flexible de la classe dominante. À présent, il ne sert plus de garantie contre les explosions sociales comme ce fut le cas pendant la Guerre Froide et il n’est plus l’incarnation de la liberté et de l’égalité, comme il fut censé l’être au stade initial des révolutions bourgeoises.

Avec le déchaînement des lois « antiterroristes » et des listes noires, on est en train de réécrire le droit européen pour l’ajuster à l’ère nouvelle. La gauche européenne est incapable de s‘opposer à ce processus, puisqu’il est mis en oeuvre par ces mêmes institutions non-neutres (parlements locaux, Parlement Européen, Union Européenne) qu’elle estime constituer un terrain adéquat pour le « jeu démocratique ».

Il serait temps que la gauche européenne comprenne que « droit » et « démocratie » (tels que définis par ses antagonistes) sont des termes et des mécanismes fallacieux. Elle ne peut à la fois jouer à ce jeu truqué et exister en tant que gauche.

Les lois sont des outils mis au service d’un intérêt, d’une valeur ou d’un droit. Elles ne constituent pas une valeur en soi, non plus qu’elles ne sont justes du seul fait d’être énoncées dans un langage mesuré et d’avoir passé par les chicanes du formalisme. Les systèmes de lois reflètent généralement la volonté de la classe dominante ; elles sont l’expression – ou si on veut l’incarnation - de ses intérêts ; elles ne sont pas des évangiles. La gauche ne reconnaît aucune présence ultra-critique (divine par ex, NdT) à propos de n’importe quels textes ou institutions. Pourquoi, alors, se plie-t-elle, en Europe, aux nouvelles règles du jeu capitaliste néo-libéral formulées en termes de lois ?

Une gauche subconsciemment suprémaciste

Le deuxième problème de la gauche européenne est sa tendance à regarder de haut les autres gauches de par le monde et particulièrement dans ce qu’il est convenu d’appeler le Sud. Elle prétend imposer ses vues et sa compréhension à des luttes et à des solutions qu’elle n’apprécie peut-être pas bien, en contradiction évidente avec l’ABC de la dialectique et de l’objectivité.

Elle a déployé de grands efforts pour créer ou sponsoriser des groupes politiquement et idéologiquement subordonnés, remake, dans une mise en scène nouvelle et à moindre échelle, de l’expérience soviétique et des relations jadis entretenues par l’URSS avec les partis de gauche, communistes et autres, un peu partout sur la planète (expérience, on en conviendra, dévastatrice).

Est-il possible de dire qu’il y a des précipitations subconscientes de racisme et de chauvinisme dans les organisations et les individus de la gauche européenne ? Comment expliquer, sinon, sa très forte prise de position en soutien aux énormes manifestations « blanches » qu’ont suscitées, début 2006, les amendements projetés aux lois du travail, alors que la même gauche s’était contentée de considérer avec éloignement les « émeutes basanées » des faubourgs parisiens et autres lieux de France à l’automne de 2005, c’est-à-dire à peine quelques mois plus tôt ? Beaucoup de mes amis européens reconnaîtront qu’il y avait dans cette différence d’attitude un racisme latent.

Ceci est prouvé par un autre exemple encore : la gauche européenne tient à promouvoir sa propre façon de voir le conflit arabo-sioniste et sa « résolution ». Résultat de sa honteuse acceptation des précédentes implantations coloniales dans les vastes territoires peuplés de nations indigènes et néanmoins colonisés par l’Europe de l’Ouest qui sont devenus les États-Unis d’Amérique, le Canada, l’Amérique du Sud, l’Australie, l’Afrique du Sud (pourquoi du Sud seulement ?, NdT), etc., la gauche européenne a du mal à accepter que la seule solution à la colonisation est la décolonisation, et non pas la « naturalisation ».de la colonie. La solution inéluctable et nette à l’occupation nazie de la France fut l’élimination complète de cette occupation, sans tant de questions oiseuses. Il n’en est pas allé de même, à vrai dire, pour l’occupation de l’Afrique du Nord, à la fin de cette Deuxième Guerre Mondiale, comme on l’a bien vu avec l’Algérie (rappelons-nous la honteuse position du P. C. F. vis-à-vis de l’impérialisme français – (8) ), et comme on le voit encore présentement avec la Palestine.

Qu’elle préconise une solution « à deux états » ou une solution « à un seul état démocratique » (seules solutions envisageables à ses yeux), et que, ce faisant, elle néglige complètement les réalités objectives et les mécanismes de l’affrontement, la gauche européenne veut, dans les deux cas, fourguer de force aux Arabes la politique qu’elle désire, à savoir le maintien de la colonisation d’une terre arabe, au titre du « retour légitime du peuple juif dispersé sur sa terre d’origine ». Qu’importe que le caractère mythique du sionisme soit exposé et l’existence même d’un peuple juif vigoureusement remis en question par l’historiographie révisionniste de l’État d’Israël (9), pour les élites dominantes de l’Europe et pour une grande partie de sa gauche organisée, le problème de la Palestine n’est désormais plus une question de juste et d’injuste, ni de colonisation illégitime, ni d’enclave abusive dans la terre de quelqu’un d’autre, ni d’une lutte majeure et même classique avec l’impérialisme occidental et ses diverses manifestations. Non, la Palestine n’est plus, à présent, qu’un conflit « localisé », ne requérant que de bénignes mesures « localisées », des mesures administratives en quelque sorte, à prendre par le gouvernement d’un « état », dans une région mise en pièces par un colonialisme vivant et vibrant. En fut-il ainsi dans la bataille contre le fascisme espagnol il y a 75 ans ? Quoique différent sous certains aspects, ce cas illustre bien le problème. La guerre d’Espagne fut-elle considérée comme un conflit « localisé » ? Où est l’héritage des internationaux qui ont rejoint la révolution palestinienne il y a quelques décennies ? Une sorte d’amnésie semble avoir frappé la gauche européenne dès lors qu’on en vient à la configuration de base d’Israël, un « état » bâti par le capital étranger avec des colons étrangers, sur un sol qui ne leur appartenait pas et contre la volonté de sa population, expulsée en masse.

Les mêmes observations s’imposent dans le cas de la résistance irakienne, la gauche européenne y restant aveugle et sourde à moins que cette résistance ne soit taillée à ses mesures, plutôt qu’en fonction de l’évolution et de l’objectivité. Cette gauche semble dire : « Nous voulons une résistance qui soit progressiste, laïque, non-islamique, sans attaches avec le précédent régime, pour l’égalité des sexes, démocratique et sans ambiguïté quant à ses plans pour le futur. Oh, oui... et de préférence, pour le mariage des gays, sinon, désolés, il nous est impossible de dire que nous soutenons la résistance irakienne. » Eh bien, ce sont des choses que je souhaite aussi, mais à quoi nous sert-il de le souhaiter, si nous ne pouvons pas faire en sorte que cela soit ? La réalité des faits, c’est qu’il y a une occupation illégale et oppressive de l’Irak. Beaucoup d’analystes, dont je suis, pensent que l’Irak est un point de rupture pour Washington et son projet de domination globale, une sorte de Waterloo. Soit nous pouvons nous offrir le luxe d’attendre que la résistance évolue jusqu’à ce que nous la trouvions conforme à nos désirs, soit nous soutenons ceux qui, sur le terrain, combattent cette occupation.

La gauche européenne ferait bien de procéder à un sérieux examen critique de son attitude envers les forces populaires du Sud, qu’elle a la présomption de juger idéologiquement et politiquement inférieures.

L’absence de clarté politique

Le troisième problème de la gauche européenne est son manque de clarté politique.

1 - Sa position par rapport à « l’état » et par rapport aux « lois » est pauvrement définie et conduira à son propre étranglement par la corde des lois néo-libérales, si elle persiste à se positionner à l’intérieur du noeud coulant.

2 – En dépit du fait que la gauche européenne a des traditions de résistance armée (la gauche fut le fer de lance de la résistance armée au nazisme et au fascisme) sa très grande majorité a opté aujourd’hui pour le pacifisme et la non-violence, et est même devenue extrêmement hésitante à soutenir la résistance armée en Palestine, en Irak et au Liban. Comme si la lutte contre un impérialisme armé jusqu’aux dents – notamment de missiles aéro et naviportés – et dépourvu du moindre scrupule ou respect pour la légalité, pouvait être résolue sans violence ! À mon sens, le pacifisme, obiter dictum, est une forme militante de suicide, qui ne fait qu’abandonner de plus en plus de terrain à l’adversaire. De tels mécanismes de lutte ne mènent à rien. Le Nazisme et le fascisme ont-ils été en Europe vaincus pacifiquement ? Ou le lavage de cerveau capitaliste a-t-il réussi à transformer la lutte des classes en problèmes de « société civile », « droits de l’homme », « droits de la femme » ou « droits de l’enfant », bref, en un militantisme hors contexte ?

3 – La Palestine, comme je l’ai dit plus haut est aussi un test révélateur – une sorte de test au papier de tournesol – quand on en vient à poser le problème du manque de clarté politique, sur ce qui constitue un colonialisme d’appellation contrôlée, dans sa forme la plus contemporaine et la plus virulente.

Même les sociaux démocrates (qui ne sont plus « la gauche ») estiment que leur manque de clarté politique et l’abandon de leurs positions d’origine au bénéfice d’une politique néo-libérale sont les causes de leur déclin. Robert Taylor, rendant compte d’une conférence tenue récemment dans le Hertfordshire par les Sociaux Démocrates pour débattre de la crise qu’ils traversent (10), cite l’analyse du dirigeant du Labour Party danois, Wouter Bos, exposée par son auteur à cette même conférence, et qui tourne autour de la résurrection du slogan « Back to Future » (Retour au Futur), plaidant pour un retour à la « « morale des vieux pionniers de la Social Démocratie européenne ». Taylor poursuit : « [ Bos] n’est pas le seul penseur social démocrate en Europe à se demander si son parti n’est pas allé trop loin dans l’adoption du marché, de l’initiative privée, de la liberté du commerce, de la globalisation, de tout-le-pouvoir-aux-choix-personnels en guise de pensée sociale démocratique. Il nous faut reconsidérer les valeurs de base. » Les vieux thèmes de la gauche européenne – redistribution, égalité, protection du travail et justice sociale – doivent être remis à l’ordre du jour.

Taylor dit un peu plus loin que ce qui préoccupe surtout aujourd’hui les Sociaux Démocrates est « l’émergence inattendue de ce qui ressemble à une menace sérieuse en provenance de forces nouvelles sur leur gauche » autrement dit d’une vraie gauche, entité politique plus clairement définie que la Social Démocratie. Mais menacer les Sociaux-démocrates - quoique constituant un signe positif du déclin de leur catastrophique et abusif monopole de représentation de la gauche - ne suffit pas pour incarner une gauche réelle ayant pour but de mettre en question, de défier et d’affronter le capitalisme lui-même avec toutes ses structures de pouvoir, et non juste d’inquiéter l’une ou l’autre de ses sécrétions secondaires. Cependant, ceci conforte mon argument quant à la nécessité absolue de prises de positions politiquement claires si l’on veut atteindre ces buts.

En Europe, l’état « libéral » ressemble de plus en plus à un état policier, où les libertés s’érodent lentement mais sûrement, sacrifiées sur l’autel de la lutte contre le « terrorisme ». En même temps, il ne rencontre que très peu ou pas du tout de résistance organisée de la part d’une gauche qui n’en finit pas de descendre la pente savonneuse des mascarades démocratiques, tout en craignant la répression et la diabolisation de la part de ses adversaires. Il y a gros à parier que l’extrême droite, avec sa rhétorique populiste et dogmatique, sera, de tout ceci, le principal bénéficiaire, tandis que la gauche continuera de languir à la périphérie des enjeux publics.

La gauche a la fonction historique d’être révolutionnaire, claire, objective, critique et internationaliste. D’une façon ou d’une autre, la gauche européenne a abandonné ces valeurs en faveur d’improbables ONG et du jeu truqué et cooptatif d’un processus dit « démocratique », et elle l’a fait tant au niveau des états que de celui de l’Union Européenne. Au lieu de proposer une alternative révolutionnaire, elle s’aligne sur les choix de ceux qu’elle devrait combattre, elle joue selon les règles de leur jeu et n’a pas su, non plus, se débarrasser de son complexe de supériorité raciale à l’égard du Sud. Il serait temps que la gauche européenne se décide à affronter les réalités et la débâcle systémique en fonction d’un programme et d’une analyse révolutionnaire, qu’elle fasse sans tarder retour à un contexte clair et strictement défini. Faute de quoi il ne lui restera pas grand chose en guise d’horizon, avec la très grande possibilité qu’une extrême-droite populo-fasciste remplisse l’espace ainsi laissé vide par une opposition victime d’une sorte de mutation génétique, une opposition qui s’est muée en version soft d’un système brutal ou en souvenir timide d’un passé lointain, transformé en songe creux par l’impératrice Hégémonie.

Hisham Bustani

Le Dr. Hisham Bustani est un écrivain et un militant résidant à Amman. Il est un des membres fondateurs de l’Alliance des Peuples Arabes Résistants, et un membre de son Comité de Coordination. Il est membre également du Comité Exécutif du Forum de la Pensée Socialiste de Jordanie.

L’article a originellement paru en italien dans la revue progressiste Senza Censura (Italie), N°28, Mars-Juin 2009, pages 4-6.

 

 

 

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